vendredi 7 septembre 2012

Ennui malgache

Un horizon qui m’est plutôt inconnu, et une période historique qui me l’est également. Deux raisons qui m’ont poussé à lire le roman policier Le choix des désordres, de Pierre D’Ovidio (éditions 10-18, collection Grands détectives, 2012, ISBN 978-2-264-05320-6), histoire de découvrir Madagascar sous la IVe République.


J’ai beau me dire que, depuis des années, j’ai beaucoup plus de déceptions que de satisfactions dans le domaine du polar, et notamment du polar « historique » et du polar « exotique », je me laisse encore aller à ma faiblesse, porté par l’espoir de tomber sur quelque pépite dans ces fleuves de boue. Malheureusement, ce Choix des désordres a été une mauvaise pioche de plus pour moi.

Le début du roman laissait pourtant entrevoir une intrigue qui pouvait avoir un peu de portée politico-policière. Dans ses années de « juste après-guerre » (le roman se déroule de 1945 à 1947), la France métropolitaine est secouée par les soubresauts qui suivent ce conflit meurtrier et les périodes troubles de l’Occupation et de l’épuration, et par les batailles politiques pour fonder cette nouvelle République.
Loin de Paris, aux confins de l’« empire » (qui devient, en 1946, l’Union française), certaines colonies commencent à secouer le joug de la colonisation et rêvent de plus à plus à l’indépendance ; ainsi, à Madagascar, c’est l’époque où les députés récemment élus, Ravoahangy et Raseta (tous les deux prénommés Joseph, pour l’anecdote), portent à Paris la voix qui réclament la liberté de leur île et où naît le Mouvement démocratique de la rénovation malgache.
Pierre D’Ovidio nous entraîne dans cette ambiance, sur les pas d’un policier, « inspecteur au commissariat de Vanves », et dans l’ombre d’un homme de la DGER (Direction générale des études et recherches) bientôt devenue SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage). Un policier au premier plan, une barbouze au second plan, les velléités d’indépendance malgache portées à Paris par les députés de l’île, et soudain, là-bas, à Madagascar, la disparition d’un colon très en vue…



Je me suis dit « chouette ! nous voilà partis pour un jeu d’ombres aux frontières de l’Empire ». Las ! Même sans attendre un roman de haut-vol comme le Kim de Rudyard Kipling, j’espérais tout de même mieux que ce pétard mouillé. Foin de thriller politico-policier, je me suis retrouvé nageant dans l’ennui d’une intrigue domestique entre colons.

Affaires de mœurs, chantage, vengeance, du réchauffé qui servirait sans mal de scénario à un quelconque « feuilleton exotico-policier de l’été » sur une chaîne de télévision du service public (ou privé, remarquez), à regarder d’un œil distrait en sirotant un cocktail de jus de fruits. Et ce ne sont certainement pas les quelques épisodes « pour faire vrai » (par exemple sur le soulèvement malgache de 1947 et son écrasement par le fer et le feu des troupes coloniales françaises, épisode sombre et, je crois, assez méconnu des Français d’aujourd’hui) qui arriveraient à donner une consistance à l’intrigue de ce tiède polar.

Publié chez 10/18, mais ma note sera plutôt 6/18.

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Ce polar ayant au moins éveillé ma curiosité pour cet épisode funeste de l’écrasement du soulèvement malgache de 1947, j’ai découvert sur le net que l’État français a encore du mal à supporter que certains veuillent mettre ce passé en lumière.
Par exemple :
« 47 » : c'est le titre d'une pièce de théâtre écrite par l'écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana. Pièce qui traite de la révolte de 1947 à Madagascar et sa répression par l'armée française. Elle fait aujourd'hui l'objet d'une polémique. Les auteurs du spectacle accusent le « Quai d'Orsay » de l'avoir retiré de sa liste de programmation, ce qui lui ferme de facto les portes de tous les Centres culturels français où il devait pourtant être joué. Ils dénoncent une « censure d'Etat ». (source : article sur lesite internet de RFI, 12 décembre 2008)
Parmi d’autres livres vers lesquels ma curiosité m’a porté, je signale celui d’Yves Benot, Massacres coloniaux. 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises (éditions La Découverte, collection La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales n°107, 2005).




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Défis. Ce billet répond aux défis suivants :


5 commentaires:

  1. Je connais l'horizon mais pas l'époque historique, mais je suivrais ton conseil et m'écarterai de ce livre !

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  2. Décidément, voyager en polarland ne te conviens pas ;-)

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  3. @ liliba : cela fait plus de 30 ans que je lis des romans policiers et noirs (entre autres livres). J'ai donc eu des coups de cœur et des coups de gueule, et au fil du temps, je suis devenu particulièrement exigeant pour trouver ce que je considère comme "un bon polar".
    Dans le cas de ces défis, j'essaie de donner un coup de projecteurs sur quelques livres peut-être moins connus que d'autres. Et j'essaie aussi de lancer des débats, pour voir si d'autres que moi ont apprécié des livres que je n'ai pas aimés ou, inversement, qui écharpent des livres que j'encense.

    @ Géraldine : je ne prétends ps donner des conseils, mais exposer mon ressenti. Si certain(e)s veulent lire ce roman, je ne leur conseille pas de ne pas le lire ; je leur dis simplement "ne venez pas me demander de vous rembourser si vous êtes déçu(e)s". ;-)

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  4. Et bien il semble que tu n'ai pas de chance avec les polars exotiques, l'histoire aurait pu être intéressante, j'ai posté il y a quelques temps aussi un billet sur Madagascar, le livre que j'ai lu était aussi très mauvais mais évoquait le soulèvement de 1947. Je ne le lirai certainement pas.

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    1. Oh, j'écrirai aussi quelques billets coup-de-coeur sur des polars exotiques !
      Il se trouve juste que certains d'entre eux, lus récemment ou pas, m'avaient déplu, et qu'il me semble opportun de dire aussi bien ce que j'apprécie que ce que je n'apprécie pas, histoire de dessiner les contours de la "bibliothèque" qui me plaît.

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