Trilogie de dessins et de mots, les aventures de
Pieter Hoorn, de Franck Giroud (scénario) et Norma (dessin) nous
font revivre ces temps où la connaissance des mers et des mondes à
l’autre bout du globe pouvait faire – ou défaire – les
fortunes des grandes compagnies maritimes européennes et la renommée
des découvreurs et cartographes de ces confins.
En ce début des années 1690, c’est la
Verenigde Oost-Indische Compagnie, la VOC, la Compagnie des Indes
orientales fondée par les Provinces-Unies, qui règne sur les mers
commerciales. Plus tard viendra le temps de la splendeur de l’East
India Company britannique, et, plus modestement, de la Compagnie des
Indes orientales française. Mais, hollandaise, anglaise ou
française, une Compagnie des Indes, c’est surtout une entreprise
aux dents longues, pas toujours honorable, brassant des capitaux non
par poignées, mais par tonneaux, par ballots, par bateaux entiers.
Et, en cette fin de XVIIe siècle, la VOC n’entend pas laisser ses
affaires être bousculées par le retour, en plein Amsterdam, d’un
marin censé avoir péri, avec tout le reste de l’équipage, dans
le naufrage du Jupiter, aux antipodes.
Surtout que, à en croire le cartographe Pieter
Hoorn, chez qui le marin survivant s’est réfugié avant de se
faire assassiner, le Jupiter aurait fait naufrage, selon le
point fait par son capitaine, au milieu de ce que les cartes en
vigueur à l’époque considèrent comme les terres de la
Nouvelle-Hollande (notre Australie d’aujourd’hui)...
Un équipage pas vraiment disparu au secours
duquel la VOC ne s’est jamais lancée, des cartes pas vraiment
fiables. La réputation de la VOC en pâtirait lourdement. Elle
charge donc Pieter Hoorn, bien malgré lui, d’aller résoudre ce
lointain mystère.
En pleine guerre de la Ligue d’Augsbourg (encore
une qui voit Louis XIV en guerre contre le reste de l’Europe...),
il va falloir jouer serré pour éviter tant les espions français
que les encombrants alliés anglais ou les protestants ayant fui la
France après la révocation de l’édit de Nantes une demi-douzaine
d’années plus tôt : tous, en effet, avancent leurs propres
pions sur cet échiquier complexe.
Au cœur de l’intrigue, le détroit entre la
Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Guinée, jadis décrit par Torrès
(un navigateur portugais qui sera passé dans ces parages au début
des années 1600) mais nié, depuis lors, par tous les autres
explorateurs (même les plus grands de l’époque, comme Abel
Tasman, au service de la VOC lui aussi) qui prétendaient la
Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Guinée soudées l’une à l’autre.
Ainsi que la possibilité, pour les Français, d’installer une base
ultramarine dans ces antipodes, capable de menacer Batavia
(aujourd’hui Djakarta), plaque tournante du commerce hollandais
dans cette partie du globe.
Évidemment, les rebondissements ne manquent pas,
certains crédibles, comme la capture des aventuriers au large des
côtes normandes et leur évasion des geôles françaises, d’autres
moins crédibles. Parmi les éléments les moins crédibles, le fait
de retrouver le Jupiter (tome 3, page 4), encore perché sur
le récif sur lequel il s’est échoué. Je doute qu’un navire de
bois soit capable de résister longtemps sur un récif battu par la
houle.
Quant au rythme du récit, il se fait parfois si
dense que l’on se plaît à imaginer qu’il aurait pu être aéré,
sans pour autant être dilué, pour laisser le lecteur profiter de
quelques respirations entre les scènes ou de moments pendant
lesquels digérer le flot d’informations que le scénariste lui
jette en pâture.
Malgré ces quelques défauts, cette trilogie en
bandes dessinées, que l’on pourrait qualifier d’« aventure
d’espionnage », reste une agréable lecture, vingt ans après
sa parution.
Pieter Hoorn (éditions Glénat). Tome 1, La
passe des cyclopes (1991, ISBN 978-2-7234-1327-5). Tome 2, Les
rivages trompeurs (1992, ISBN 978-2-7234-1440-1). Tome 3, La
baie des Français (1994, ISBN 978-2-7234-1790-7).
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Le lecteur amateur d’histoire maritime et de
géographie de notre monde retiendra que le nom de Torrès a été
donné à ce détroit par le géographe écossais Dalrymple en 1759,
et que la réalité du détroit ne sera finalement confirmée que
lors du premier voyage du capitaine James Cook, en 1770.
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Défis. Ce billet répond au défi suivant :
Cette bande-dessinée à l'air bien, elle retrace l'une de mes périodes historiques favorites.
RépondreSupprimerJe ne lis pas assez de B.D car j'ai trop de romans encore à lire mais je devrais, d'autant que ma famille en raffole. Celle-ci plaira beaucoup j'en suis sûre à mon Père et ma sœur. Je note donc.
Le dessin de cette trilogie est "classique", et donc assez facilement abordable par des gens qui n'ont pas trop l'habitude de lire des BD, ou qui lisent des BD dont le graphisme ne sort pas trop des sentiers battus.
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