Les tapages autour d’une œuvre – littéraire,
cinématographique, musicale – me laissent rarement froid. Et, la
plupart du temps, tout comme les messages publicitaires à la
télévision ou à la radio, ils ont tendance à me détourner
totalement du produit en question. Quand la vague du « polar
scandinave » a commencé à faire fureur sous nos latitudes, il
y a une dizaine d’années, je reconnais lui avoir sciemment tourné
le dos : vous m’assommez avec du scandinave ?, je lirai
du cubain ou du chinois ! Surtout que du « polar
nordique », ça faisait quand même des lustres qu’il s’en
publiait : pour autant que je sache, Maj Sjöwall et Per Wahlöö,
duo à la plume et couple à la ville, ont publié leur série de
romans mettant en scène leur inspecteur Beck du milieu des années
1960 jusqu’à la mort de Wahlöö au milieu des années 1970.
Tout le tintouin orchestré sur le « nouveau
souffle policier venu du Nord » m’a donc rendu sourd aux
sirènes des éditeurs des traductions françaises, et comme je ne
lis ni le suédois, ni le norvégien, ni le danois dans le texte, il
m’a donc fallu bien longtemps avant que j’accepte de me pencher
sur un polar d’Henning Mankell, par exemple (et je ne suis
pas encore à la veille de lire la trilogie Millenium de Stieg
Larsson !).
La quatrième de couverture des Chiens de
Riga (Hundarna i Riga, 1992 ; traduction
française aux éditions du Seuil, 2003 ; réédition en
collection Points Policier, ISBN 978-2-02-063893-7) a tiré sur ma
corde sensible : un auteur suédois résidant souvent en
Afrique, un inspecteur de police suédois, des cadavres peut-être
russes et un canot de sauvetage probablement yougoslave, une enquête
en Lettonie, cette salade pouvait se révéler surprenante… dans le
bon sens comme dans le mauvais.
Eh bien, finalement, la lecture s’est révélée
agréable.
L’inspecteur Kurt Wallander m’est pourtant
apparu plutôt fade, tant Mankell le rend falot à force de vouloir
le rendre « normal » (je ne vais pas me priver d’utiliser
ce qualificatif au seul prétexte qu’il est devenu le leitmotiv
d’un candidat-président puis d’un président, suivez mon
regard…). Wallander a des états d’âme, Wallander a des
problèmes de cœur (des peines d’amour, pas de la tachycardie,
entendons-nous bien), Wallander a tendance à picoler, Wallander a la
trouille parfois, … Bon, Wallander n’est pas James Bond, mais je
l’ai vite compris et je n’ai pas besoin qu’on me le rappelle
toutes les dix pages.
Peut-être que les lecteurs de la série entière
finissent par s’attacher à ce personnage, mais, à la lecture de
cet unique tome, je ne me suis pas senti d’atomes crochus avec lui.
Néanmoins, j’ai surmonté mon manque d’empathie
pour ce personnage couleur de muraille, et j’ai apprécié une
grande partie de cette histoire en jeux d’ombres, en
faux-semblants, jusque dans cette paranoïa sociétale qui suinte des
gens et des lieux de cette Lettonie encore sous la botte soviétique
(l’intrigue se déroule en 1991, avant l’accession de la Lettonie
à l’indépendance).
J’ai retrouvé dans ces Chiens de Riga
des ambiances de romans d’espionnage et de romans policiers ancrés
« derrière le rideau de fer », pendant la guerre froide
ou au temps du Kremlin triomphant, les odeurs du Berlin-Est de Len
Deighton ou du Moscou d’Edward Topol et Fridrikh Neznansky. La
Lettonie, sous la plume de Mankell et les yeux de Wallander, ça sent
la peur et la délation, les petits et grands trafics, le courage et
la trahison. Un flic letton peut-il être autre chose qu’un agent à
la solde des pro-russes ? De deux flics lettons, y en a-t-il un
de fiable ? Voilà Wallander marchant sur la corde raide, sans
filet, bien loin de sa Scanie natale, devenu fouineur clandestin en
mémoire d’un flic letton honnête. Voilà Wallander sous le charme
de Baiba, un peu comme Arkadi Renko, l’inspecteur moscovite né
sous la plume de Martin Cruz Smith, s’attachait à Irina dans Gorky
Park ; il y a des élans du cœur qui vous rendent
téméraire.
Pour autant, le roman manque parfois de rythme, de
tension. Et le dénouement façon « qui est le vrai méchant
de l’histoire ? Est-il un faux-ami ou un faux-ennemi ? »
m’a paru un poil convenu.
Au final, une lecture plutôt agréable, sans pour
autant me donner envie de me lever la nuit et lire un autre roman de
la série. Ce polar scandinave n’était pas le roman renversant que
certains me promettaient.
* * * * *
Cinéphiles et télévores, sachez que plusieurs
romans d’Henning Mankell ont fait l’objet d’adaptations ciné
et télé, dont ces Chiens de Riga : Hundarna i Riga (1995), réalisé par Per Berglund, et, très récemment, Wallander - The Dogs of Riga
(2012), réalisé par Esther Campbell, avec Kenneth Branagh dans le
rôle de Wallander, un épisode de la série télévisée de la BBC
sur les enquêtes de l’inspecteur Wallander (saison 3, épisode 2)
qui sera diffusé le 16 septembre 2012.
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Défis. Ce billet répond aux défis suivants :
Je n'ai toujours pas non plus fait la connaissance de ce Wallander pourtant omniprésent sur les blogs...
RépondreSupprimerIl ne faut jamais se sentir obligé(e) de faire connaissance avec qui que ce soit. Parfois, l'envie ou l'occasion se présente. Parfois non. Se forcer, ce serait la pire des solutions, parce que ça ne rendrait l'éventuelle déception que plus amère.
SupprimerC'est ce qui s'est passé quand j'ai le le polar Nine Dragons de Michael Connelly, qui m'avait été recommandé par des voix insistantes : un vrai ratage, à mes yeux, qui ne m'a vraiment pas donné envie de me pencher sur d'autres polars de cet auteur.