Phantly Roy Bean, Jr. (1825-1903), alias « juge
Roy Bean », est un personnage bien connu des amateurs de
l’histoire de « l’Ouest sauvage » américain, que ce
soit sur le plan de l’histoire académique ou celui du cinéma ou
de la BD. Rien ne prédestinait Roy Bean à devenir juge ; la
première moitié de sa vie ressemble plutôt, d’ailleurs, à celle
d’un brigand qu’à celle d’un homme de loi, fuyant diverses
villes d’un côté et de l’autre de la frontière avec le
Mexique, à la suite de rixes et autres « incidents »
mortels, en compagnie de l’un ou l’autre de ses deux frères, Sam
et Joshua.
En 1882, Roy Bean finit par s’installer dans une
de ces villes de tentes qui poussent comme des champignons dans
l’Ouest encore sauvage, dans le sillage des chantiers de
construction du chemin de fer. Dénommé Vinegaroon (ce nom est tout
un programme à lui seul, puisque que « vinegaroon »,
appelé « vinaigrier » en français, est une sorte de
scorpion !), ce coin perdu est situé non loin de la confluence
de la rivière Pecos avec le Rio Grande, dans le sud-ouest du Texas.
Comme le tribunal le plus proche est à plus de
300 kilomètres de là, à Fort Stockton, il faut créer une
juridiction locale, pour traiter toutes les affaires délictueuses et
criminelles du secteur. C’est ainsi qu’en août 1882, Roy Bean
qui, jusque là, n’était que le tenancier du saloon de Vinegaroon,
se fait nommer « juge de paix » de la 6e
juridiction du comté de Pecos.
Se proclamant « la loi à l’Ouest de la
Pecos », le « juge » Roy Bean se met à rendre la
justice en la matière, refusant de considérer tout autre livre de
droit que les Revised Status of Texas, recrutant les jurés parmi les
habitués de son saloon, interprétant les textes à sa guise,
refusant les démarches en appel, etc.. Comme il ne dispose pas d’une
prison, il n’inflige que des peines d’amende, qui finissaient
intégralement dans sa propre poche.
Roy Bean déplace son tribunal vers l’Ouest, au
fur et à mesure de l’avancée du chemin de fer, d’abord à
Strawbridge, puis à Langtry. Malgré ses pratiques si particulières,
il est réélu juge en 1884 ; il est toutefois battu en 1886. En
1887, il profite de la création d’une nouvelle circonscription de
justice dans le comté de Pecos pour en devenir le juge de paix, rôle
qu’il tiendra jusqu’en 1896.
Un personnage si extraordinaire ne pouvait pas
manquer d’intéresser les historiens de l’Ouest mais, surtout,
d’inspirer des romanciers, des cinéastes, des dessinateurs de BD.
Je ne prétends pas connaître toutes les créations qui en ont été
inspirées, et je ne ferai que pointer certaines d’entre elles,
avant de donner un coup de lampe sur celle que je préfère, parmi
celles que je connais.
Gageons que la plupart des bédéphiles
francophones connaissent l’album Le juge (1959), de
Morris (dessin) et René Gosciny (scénario), traitant
le Roy Bean sur un ton humoristique.
Edgar Buchanan a incarné le juge dans la série
télévisée Judge Roy Bean (39 épisodes d’une
demi-heure chacun, diffusés en 1956 et 1957), réalisée par Derwin
Abrahams, Nate Watt et Reg Browne, sur des
scénarios écrits notamment par Milton Raison (qui avait travaillé
sur la série télé des The Adventures of Kit Carson,
1951-1953) et par John Ward (auteur, plus tard, pour la série
The Fugitive / Le fugitif, 1963-1967). Cette série est
aujourd’hui, disponible en DVD.
Au rayon des curiosités, citons le film Le
juge / La loi à l’ouest du Pecos (1971) de
Federico Chentrens et Jean Girault, ayant réalisé ce
film sous le pseudonyme commun de Richard Owens. Ce n’est
autre que Pierre Perret (qui a aussi composé la musique) qui incarne
Roy Bean, et la distribution des rôles compte dans ses rangs Robert
Hossein, Silvia Monti ou encore Xavier Gélin. Le film est inspiré
de la BD de Morris et Gosciny, qui apparaissent au générique à ce
titre.
Quand on sait que le Jean Girault en question est,
en particulier, le réalisateur de la série des Gendarme (du
Gendarme de Saint-Tropez, 1964, au Gendarme et les
gendarmettes, 1982) en passant par d’autres « sommets »
du cinéma français comme La soupe au choux (1981), on peut
se laisser aller que cette Loi à l’ouest du Pecos n’est
pas un film du panthéon cinématographique.
Mais s’il est un film sur le juge Roy Bean à
voir, c’est bien The Life and Times of Judge Roy Bean
/ Juge et hors-la-loi, de John Huston
(1972), avec Paul Newman dans le rôle de ce juge dont la légende a
dépassé la vérité, et dont la vérité n’est déjà pas piquée
des vers ! Bien évidemment, ce film est plus porté par la
légende que par la vérité, mais qu’importe ? Ce Juge et
hors-la-loi est un film jubilatoire, par un très grand
réalisateur, servi par un acteur principal pour lequel j’ai une
affection tout particulière. Le comique y côtoie le pathétique, le
tragique y côtoie l’immoral.
Quelques longueurs et quelques effets appuyés (je
ne suis pas fan de certaines illustrations musicales) font que ce
film n’est pas dans les sommets de mes films préférés, mais il
vaut largement le détour.
Pour l’anecdote, Roy Beatty, qui apparaît dans
le film dans le rôle (discret) de Tector Crites, avait lui-même
incarné le juge Roy Bean dans la (très bonne) mini-série télévisée
Streets of Laredo (1995).
De Lucky Luke à Paul Newman, à vous de faire
votre choix, maintenant !
* * * * *
Défis. Ce billet répond aux défis suivants :
J'ai appris l'existence de nombreux ouvrages en lien avec la justice grâce à ton article ! cette figure plus ancienne du juge est très intéressante :)
RépondreSupprimerJe compte continuer à remonter le temps, avec un billet sur des romans policiers mettant en scène le juge John Fielding, figure historique de la justice londonienne au XVIIIe siècle.
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