Je crois me souvenir que Les cavaliers
(1967) a été ma découverte de Joseph Kessel. Ou Le lion
(1958). En tout cas,
je les ai lus dans un intervalle de temps très proche.
Mais ce n’est que très récemment que j’ai lu
son Vent de sable (Les Éditions de France, 1929), un
de ses premiers livres. Attiré par la couverture de l’édition
poche (éditions Gallimard, collection Folio, 1997, ISBN
9782070403455), j’ai voulu découvrir ce témoignage, par la plume
pas encore au sommet de son art d’un Kessel qui m’envoûtait dans
ses romans.
Dans ces années d’après-guerre, des pionniers,
« fous » aux yeux de certains et « admirables
pionniers » aux yeux d’autres, entreprennent de fonder des
lignes aériennes pour le transport du courrier. Des entrepreneurs
comme Pierre-Georges Latécoère, des pilotes comme Jean-Mermoz,
Antoine de Saint-Exupéry, Henri Guillaumet, en écrivent les
premières pages audacieuses et héroïques.
Latécoère fonde la Compagnie générale
d’entreprises aéronautiques, qui relie Toulouse à Rabat au Maroc
en 1919, puis Casablanca, et plus tard Casablanca à Dakar au
Sénégal.
Toulouse-Casablanca-Dakar, voilà le parcours de
ce Vent de sable. Un
parcours qu’effectue Joseph Kessel avec comme pilote Émile
« Mimile » Lécrivain (1897-1929), rien moins que le plus
ancien pilote de cette ligne, qu’il a officiellement ouverte avec
un premier vol commercial le 1er juin 1925.
Kessel a contribué à faire connaître du grand
public cette aventure naissante du courrier postal aérien en
racontant la captivité puis la libération du pilote Marcel Reine et
de l’ingénieur Édouard Serre, capturés en juin 1928 par des
Maures de la tribu « nsoumise » des R’Guibat, après que leur avion
avait heurté une dune et réduits en esclavage pendant quatre mois.
Sur proposition de Reine et Serre, Kessel obtient
de Didier Daurat, chef d’exploitation de cette ligne,
l’autorisation de faire un vol Toulouse-Casablanca-Dakar comme
passager, ce qui, à l’époque, ne se faisait pas. Un vol en
compagnie d’Édouard Serre.
Vent de sable, ce n’est donc pas encore
le Kessel grand romancier, mais déjà le Kessel voyageur et
reporter.
Et ce récit de voyage en avion aurait été ennuyeux, s’il
s’était concentré sur le vol, le bruit du moteur, les odeurs
d’huile, les incertitudes de la navigation, la crainte des Maures
hostiles qui rançonnent les aviateurs obligés de se poser en
catastrophe. Ici, cependant, le lecteur est entraîné dans d’autres
scènes, celles des escales et des rencontres humaines auxquelles
elles sont propices.
Certes, il y a le désert, qui les menace et les
envoûte en même temps. Certes, il y a les tempêtes de sable et les
nuits noires.
Mais il y a surtout cette chaîne humaine,
pilotes, mécaniciens, opérateurs de TSF (qui, même si elle est
« sans fil », constitue un fil ténu liant les équipages
volants aux stations au sol) et autre personnel au sol comme les
interprètes, chaque maillon tendu vers une exigence première,
quasiment obsédante : le transport du courrier et sa livraison
à l’heure. A notre époque où nous acceptions que notre courrier
n’arrive, à quelques kilomètres de chez nous, que deux ou trois
jours après l’avoir posté (nette régression par rapport au
« J+1 » presque systématique assuré il y a quelques
années), il n’est pas facile de concevoir que ces pilotes étaient
tellement investis dans cette mission qu’ils l’accomplissaient au
risque de leur sécurité, au péril de leur vie parfois.
Il y a aussi les ambiances de ces escales, de ces
oasis non pour chameliers mais pour aviateurs, les locaux techniques
de la compagnie, les cabarets de Casablanca (comme celui dans lequel
Rick Blaine incarné par Humphrey Bogart traînera son chapeau et son
regard brillant, quelques années plus tard, dans le film de Michael
Curtiz), les relations parfois difficiles avec les autorités et
garnisons espagnoles dans ce Sahara occidental âprement disputé.
Le récit de Joseph Kessel prend une dimension
particulière quand on sait que lors du vol qui a suivi ce voyage de
Kessel, Émile Lécrivain et son radiotélégraphiste Pierre Ducaud
disparaissent en vol, après avoir survolé Mazagan au Maroc, lors
d’une liaison Agadir-Casablanca (31 janvier 1929). L’épave de
leur Latécoère 26 est retrouvée le 2 février, et la mer rejette
un corps (celui de Lécrivain ?) le 23 février, sur le rivage
marocain entre Mazagan et Casablanca [source].
Émile Lécrivain
* * * * *
Quelques pistes pour compléter la lecture de ce
Vent de sable.
Une interview de 11 minutes (archives de l’INA,
1967) de Kessel par Pierre Desgraupes sur ce roman.
Bien sûr, le Courrier Sud (1929) d’Antoine
de Saint-Exupéry, roman contemporain de celui de Kessel,
d’inspiration autobiographique, dont le personnage central est un
de ces pilotes de la ligne Toulouse-Casablanca-Dakar.
Et, pour jouer en famille ou entre amis,
Aéropostale, un jeu d’Olivier Chanry et Michel Pinon, chez
Asyncron.
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Défi. Ce billet répond au défi suivant :
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