Quand Mille femmes blanches de Jim Fergus
était paru en 2000 (traduction en français de One Thousand White
Women: The Journals of May Dodd, 1998), je l’avais sciemment
ignoré. Non pas sur un a priori négatif ou un manque d’intérêt
pour le sujet, mais parce que le battage médiatique sur ce livre
avait eu sur moi l’effet inverse de ce qu’il était censé
produire : le rejet épidermique. Je n’ai donc pas fais
connaissance avec ce Jim-là à cette époque.
Mais, si je n’ai toujours pas lu Mille femmes
blanches, j’ai récemment découvert, avec grand plaisir,
l’écriture de Jim Fergus grâce à son récit A Hunter's Road : A
Journey with Gun and Dog Across the American Uplands (1992). Le titre
de la traduction française, Espaces sauvages (Le Cherche midi, 2011,
ISBN 978-2-7491-1132-2 ; fiche sur le site de l'éditeur), par sa sobriété, nous fait perdre le sens du titre original qui
est, pour une fois, un bon indice du contenu.
Mes premières lectures de récits de chasse,
fictionnels ou pas, ont été – pour autant que je m’en souvienne
– des grands classiques comme La gloire de mon père (1957) de
Marcel Pagnol, Tartarin de Tarascon (1872) d’Alphonse Daudet,
Dersou Ouzala (1921) de Vladimir Arseniev (porté au grand écran
par, entre autres, Kurosawa Akira en 1975), ou des ouvrages moins
connus comme Peuples chasseurs de l’Arctique (1966) de Roger
Frison-Roche.
Par la suite, c’est un genre qui ne m’a pas
vraiment attiré, à part sous forme de documentaires télévisés
sur des sujets spécifiques, comme la chasse du loup avec un aigle
par les nomades des steppes asiatiques, et encore, sous un angle plus
ethnographique que directement cynégétique.
En partant ainsi pour 5 mois avec son chien
Sweetzer, son fusil et sa caravane pour un périple de 27.000 km
à travers près de la moitié des États des États-Unis, pour tirer
21 espèces d’oiseaux emblématiques (et autorisées à la
chasse !), Jim Fergus réalise son rêve d’adolescent. Et, pas
égoïste, il m’a happé, au passage, dans son voyage, surtout par
le ton qui l’imprègne de bout en bout. Ni apologie de la chasse ni
réquisitoire contre cette activité, ce livre ne cherche pas à
convertir le lecteur en chasseur ni en militant anti-chasse. Il
souligne, sans chercher à donner des leçons mais sans dissimuler
les responsabilités, les changements des paysages et des écosystèmes
sous la pression de l’agriculture céréalière, de l’élevage,
de la foresterie, l’ambiguïté des sociétés de chasse qui
promeuvent le développement de leur activité (et donc de la
mortalité sur les espèces chassées) tout en négociant avec les
groupes forestiers ou industriels pour qu’ils préservent des
habitats de ces espèces.
Jim Fergus mêle habilement le récit de ses
parties de chasse, avec une touche d’autodérision que l’on
imagine bien lu, en voix off, par un Jean Rochefort au mieux
de sa forme, des considérations sur la gestion des espaces
« naturels » aux États-Unis, et surtout des portraits
qui font l’essentiel de la saveur de ce livre. Biologistes
spécialistes de la gélinotte, guides de chasse au service de
crétins (osons le mot) venus se couper de leur vie professionnelle
en tuant quelques volatiles, romanciers et poètes de l’Amérique
dite « profonde », amis de longue date perdus de vue et
retrouvés à l’occasion de ce voyage, serveuses de bars à
chasseurs, impossible de s’ennuyer en croisant tous ces personnages
du quotidien et, en même temps, plus grands que nature.
Même si vous n’avez ni chien ni fusil,
n’hésitez pas à suivre la piste de Jim Fergus !
* * * * *
L’ouvrage du même Jim Fergus, The Sporting
Road: Travels Across America in an Airstream Trailer – With Fly
Rod, Shotgun, and a Yellow Lab Named Sweetzer (St. Martin's
Press, 2000, ISBN 978-0-312-24245-9) semble une édition révisée /
augmentée de son Hunter’s Road. Ce titre a le mérite d’une
truculence particulière : La route de chasse et de pêche :
voyages à travers l’Amérique dans une caravane Airstream – avec
canne à mouche, fusil, et un labrador jaune nomme Sweetzer.
* * * * *
Défi. Ce billet répond au défi suivant :
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