mercredi 28 août 2013

Le libertinage comme un art de vivre

A force de publier des billets autour de Sade et de son œuvre pour ce challenge Badinage et libertinage, les lecteurs vont finir par croire que le libertinage dix-huitiémiste se résumait à tourmenter d’innocentes jeunes filles qui n’avaient le choix qu’entre accepter d’être ballottées de baron salace en moine dépravé, et prendre leur vie en main en se prostituant pour gravir les échelons de la société.
Tout comme, à notre époque, le terme de « libertin » a fini par perdre son sens premier pour ne plus désigner que l’amateur de relations échangistes ou de pratiques débridées, tarifées ou non (et pas uniquement dans le cas des affaires impliquant un ancien très haut cadre d’une institution financière internationale, quelques-unes de ses connaissances et des demoiselles à la cuisse légère dont il dit ignorer qu’elles étaient des accompagnatrices à solde).


Bon, je n’irai pas jusqu’à prétendre que les libertins au XVIIIe siècle de ce temps-là n’étaient que des philosophes bousculant, à leur manière, l’ordre établi, qu’il soit moral ou religieux. Mais j’ai tendance à y voir, toutefois, au-delà de la seule licence des mœurs, un certain art de vivre, un art de la séduction, dans ce mélange des plaisirs de l’esprit et du corps.
Peut-être parce que ma conception du libertinage est joyeuse et raffinée, très directement inspirée par un Casanova beau parleur et « sapé comme un milord » (comme on dira bien des décennies plus tard), ou encore de l’image foutraque et jouissive que donne Bertrand Tavernier du régent Philippe d’Orléans (Philippe Noiret à l’écran, extraordinaire) et de l’abbé Dubois (Jean Rochefort, encore mieux) dans Que la fête commence !


C’est cette nature, complexe et non simpliste, que nous invite à découvrir La France au temps des libertins, un ouvrage concocté à plusieurs mains par Jacqueline Queneau (sociologue), Jean-Yves Patte (historien d’art et musicologue), Alexandre Bailhache (photographe) et Caroline Lebeau (styliste), aux éditions du Chêne (2001, ISBN : 2842772989).


La présentation de ces quatre personnes, sur le rabat intérieur du livre, est la suivante (comme le livre date de 2001, les références au « récemment » doivent être prises au regard de cette date, bien sûr.

« Jacqueline Queneau, sociologue, passionnée d’histoire, de musique et d’art plastique, apporte depuis de nombreuses années sa collaboration à différentes institutions culturelles. Elle participe à l’organisation de manifestations liées au patrimoine historique. En Bourgogne, dans le domaine du livre, cette universitaire contribue activement à la mise en valeur du patrimoine écrit ancien, et à la découverte de certains auteurs dans le cadre du « Livre en scène ».

Jean-Yves Patte est historien d’art et musicologue. Après avoir collaboré avec différents musées, il se tourne vers la recherche en archives et les publications. Il s’attache à montrer combien les habitudes du passé ont pu forger notre art de vivre contemporain. Il a été, récemment, avec Caroline Lebeau, consultant pour les arts de la table sur le tournage du film Vatel.

Jacqueline Queneau et Jean-Yves Patte ont publié, aux éditions du Chêne, Mémoire gourmande de Madame de Sévigné, Les Promenades de Chateaubriand et Les Promenades de Frédéric Chopin.

Alexandre Bailhache est photographe. Passionne de cuisine, de décoration et de jardins, il travaille avec les plus grands magazines en France et à l’étranger. Il a publié, aux éditions du Chêne, Mémoire gourmande de Madame de Sévigné, Rodin, le festin d’une vie et La Perse des écrivains-voyageurs.

Caroline Lebeau, styliste anglaise, travaille pour de nombreux magazines de décoration internationaux. Elle a participé également aux livres Mémoire gourmande de Madame de Sévigné et Rodin, le festin d’une vie. Elle a travaillé récemment sur les décors de table du film Vatel. »



Le livre aborde aussi bien les décors intérieurs et extérieurs des maisons et parcs où se tissaient les relations, que les parfums et les cabinets de curiosités, ou encore l’art des mouches et les dîners galants, les plaisirs de la chasse et de l’opéra.
Les textes ne sont pas une évocation superficielle de ces différents aspects, mais des articles qui arrivent à être à la fois courts et riches.


La composition du livre, elle, mêle très habilement de reproductions de tableaux (du Déjeuner d’huîtres de Jean-François de Troy à la Jeune femme à sa toilette de Nicolas Lanfresen dit Lawrence), de gravures, de tapisseries, et de superbes photographies actuelles de parcs (châteaux de Canon et de Groussay, entre autres), de statues, de mobilier, de natures mortes, etc.


Plus anecdotiquement, le livre se termine sur un cahier fermé regroupant des reproductions de gravures (d’après Antoine Robel ou François Boucher, par exemple), et des extraits de textes libertins (Mirabeau, Boyer d’Argens, etc.).

Un ouvrage superbe.


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2 commentaires:

  1. J'étais de passage et ai noté l'article à cette occasion, inutile de venir me transmettre le lien. ;)

    Comme je m'y attendais, cet ouvrage me fait terriblement envie, il semble très intéressant pour avoir une autre vision du libertinage (aussi bien autre que celle à laquelle il est aujourd'hui réduit que celle que j'en ai par la littérature) Merci pour cette découverte !

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  2. J'en avais déjà parlé voilà... 6 ans (!), mais il me semblait opportun d'apporter cette touche raffinée dans le cadre du challenge.

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