dimanche 8 février 2015

Mort étrange et bonne surprise


Depuis quelque temps déjà, c’est sur la pointe des pieds que je m’approche du rayon « polars historiques » d’une librairie. Mes déceptions dans les lectures de ce genre étaient devenues largement majoritaires sur mes satisfactions. Les romans à énigmes à la façon d’Agatha Christie me fatiguent autant dans une ambiance des années 1920 que dans un univers médiéval ou au Siècle des Lumières. Et Les romans où l’auteur plaque le contexte historique sous forme de leçons ou dans des dialogues interminables me fatiguent tout autant. Mes coups de cœur sont donc très rares, parmi lesquels A Conspiracy of Paper / Une conspiration de papier de David Liss, ou An Instance of the Fingerpost / Le cercle de la croix, de Iain Pears. Quant aux « séries policières historiques », j’en suis largement revenu, après des années de gloutonnerie de lecture.

Pour me faire sortir de ma réserve, il faut donc me jeter des appâts auxquels il m’est difficile de résister. Là, pour le coup, « polar historique + Casanova + éditions Actes Sud », j’ai eu un moment de faiblesse. Le genre de moment d’inattention qui fait que vous prenez un coup d’épée dans un combat déloyal.



En l’occurrence, c’est Olivier Barde-Capuçon avec son Casanova et la femme sans visage (Actes Sud, collection Babel noir n° 82, 2013, ISBN 978-2-330-01777-4, présentation sur le site de l’éditeur) qui a trompé ma défense pour porter son attaque. Un crime avec une victime sauvagement mutilée, un duo d’enquêteurs formé par un « commissaire aux morts étranges » et d’un moine qui sent le soufre, une galerie de personnages incluant Casanova le comte de Saint-Germain, manipulateurs d’esprits crédules, des grands personnages du royaume comme Louis XV et la marquise de Pompadour, et diverses coteries qui cherchent à remettre ce roi pervers dans le droit chemin ou, au contraire, à jeter la monarchie à bas.
Présentés comme ça, les ingrédients peuvent laisser présager une soupe indigeste. Pourtant, j’ai été surpris par la saveur assez fine de ce roman. Et je reconnais m’être laissé porter par le suspense tout au long des plus de 440 pages.

Si j’osais une comparaison de série à série, je dirais que cette « enquête du commissaire aux morts étranges », c’est un peu l’autre côté du miroir par rapport à une enquête de Nicolas Le Floch sous la plume de Jean-François Parot. Chez Barde-Cabuçon, le commissaire a un passé trouble ; son compagnon de route, un passé encore plus trouble ; le roi Louis XV est un monarque cyclothymique à tendance pédophile ; son valet Le Bel, un maquereau ; Sartine, un intriguant qui ne joue que ses propres cartes ; et le parti dévot est presque la moins dangereuse des forces qui agissent dans l’ombre.
Je ne célèbre pas devant ce roman comme s’il était exempt de tout défaut. Ainsi, parfois, le côté « police scientifique » frôle l’anachronique. Mais, comme cela faisait longtemps que je n’avais pas eu une vraie bonne surprise en polar historique, je ne vais pas bouder le plaisir que m’a procuré ce Casanova et la femme sans visage.

Et, alors que la série de Jean-François Parot a fini par perdre ma fidélité de lecteur (L’enquête russe, en 2012, m’avait fait franchir la limite de que j’arrivais encore à supporter, mais mon intérêt s’était déjà étiolé depuis deux ou trois titres de la série), je vais sûrement me pencher sur un autre roman d’Olivier Barde-Cabuçon dans sa série du chevalier de Volnay.
Évidemment, si cet autre roman me déçoit, je ne manquerai de lui donner la bastonnade. Au roman, pas à l’auteur. Je précise, vu que certains (lecteurs de mes billets ou auteurs eux-mêmes) ont parfois du mal à faire la différence entre mon avis négatif sur un livre et mon avis sur son auteur.
Et si cet autre roman me plaît, je le dirai tout aussi spontanément.

D’ici là, partisans ou opposants du commissaire aux morts étranges, n’hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires de ce billet !

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PS : en ces temps où la caricature déchaîne les instincts meurtriers des esprits les plus dogmatiques, je signale la couverture de ce roman détournée sur le site couvzenvrac, sous le titre Casanova et la femme sans visa, et avec une aquarelle de Gaston Leroux.


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2 commentaires:

  1. Je n'ai lu jusque là que très peu de polars historiques mais je crois comprendre ta déception...
    En tout cas, je ne connaissais pas du tout cet auteur... J'espère que son autre livre te plaira tout autant !

    Merci pour ta contribution !

    PS : la couverture détournée m'a bien fait rire bien que la rhétorique du client se fasse aux dépens de la jeune femme... ;)

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  2. Ma lecture d'un deuxième roman du même auteur m'a laissé mi-figue mi-raisin, surtout à cause de son chapitre final trop "explicatif". J'en parle dans ce billet-là.

    Pour ce qui est de l'image de la couverture détournée, il est vrai que ce n'est pas de prime délicatesse pour la jeune femme.

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